Mardi 20 mai, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, était auditionnée à l’Assemblée nationale sur le nouveau Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3). Ce plan est censé préparer la France aux impacts déjà bien réels du dérèglement climatique.
Quand des député·es l’ont interrogée sur l’action en justice que nous, sinistré·es et associations, avons lancée, la ministre a soigneusement éludé le sujet. Elle s’est tout de même exprimée sur plusieurs points essentiels. Voici ce qu’il faut retenir de son audition :
1. Aucun engagement budgétaire nouveau
Comme le souligne le recours, la très grande majorité des mesures du PNACC-3 ne sont pas financées. Pour celles qui le sont, les ressources proviennent en grande partie du Fonds Vert, alors même qu’il a été réduit de plus de moitié en 2025, réduisant le budget alloué aux mesures d’atténuation du dérèglement climatique. Cette redistribution est contreproductive car l’adaptation ne pourra se faire sans mesures pour limiter les changements climatiques.
Malgré les critiques qui lui sont adressées, la ministre n’a pourtant pas annoncé de financements supplémentaires lors de son audition. De même, aucune nouvelle annonce de financement n’a été faite pour le traitement du risque de retrait-gonflement des argiles (RGA), qui concerne pourtant la moitié des maisons individuelles en France. Dans le cadre de leur recours juridique, les sinistré·es et associations demandent notamment la prise en compte du risque RGA dans les dispositifs publics d’aide à la rénovation énergétique. Pour Mohamed Benyahia : “Le risque RGA peut devenir un drame national en absence de mesures urgentes, et la ministre ne donne toujours aucune réponse aux citoyen-nes menacé-es. Ce n’est pas avec les mesures de communication du PNACC-3 que les maisons seront consolidées. Attend-elle que l’Elysée se fissure pour agir ?”
L’adaptation reste donc dramatiquement sous-financée alors que même le président du Haut Conseil pour le Climat alerte : la priorité, c’est d’augmenter les moyens.
2. Inégalités : des constats creux, aucune mesure
Sur le plan territorial, les inégalités – facteur aggravant de la vulnérabilité de la population face aux effets du changement climatique – sont criantes. Pourtant, aucune mesure du PNACC-3 n’y répond, que ce soit dans les territoires d’Outre-mer ou dans les quartiers populaires. A titre d’exemple, alors que la disponibilité de l’eau va diminuer à cause du changement climatique, ce plan ne fait aucune mention de la situation particulièrement dégradée des services publics de l’eau et de l’assainissement dans les territoires ultramarins, et ne prévoit aucune action spécifique pour y remédier.
Si la ministre reconnaît l’existence des inégalités sociales et territoriales face au changement climatique, et le fait que les milieux modestes soient les plus touchés, elle n’apporte pas d’autres mesures que la simple création d’une mission sur la fracture écologique, une mesure très largement insuffisante. Pour les territoires ultramarins, elle reconnaît les vulnérabilités spécifiques auxquelles font face ces territoires mais n’apporte pas de nouveaux éléments. En conclusion, pas d’action immédiate et pas de co-construction avec les personnes concernées, alors que des solutions existent déjà. En l’absence d’engagements concrets de la part du gouvernement, la France ne garantit pas la protection des plus vulnérables face aux impacts du changement climatique.
3. Non, la France n’est pas “sur la bonne trajectoire”
La ministre a beaucoup défendu les quinquennats successifs d’Emmanuel Macron. Elle a notamment vanté ses gouvernements d’avoir réussi à diminuer les émissions de gaz à effet de serre, mais les faits la contredisent. Tout d’abord, une partie de cette baisse est due à des facteurs conjoncturels tels que la crise du Covid-19 ou la crise énergétique causée par la guerre en Ukraine, et non à des mesures politiques structurantes. Ensuite, la baisse des émissions a fortement ralenti en 2024, alors qu’il faudrait au contraire accélérer pour respecter nos objectifs.
4. Une adaptation agricole qui tourne le dos aux paysan·nes
En pleine crise climatique, la ministre soutient la proposition de loi Duplomb qui sanctuarise les mégabassines : accaparement de l’eau par les plus gros agriculteurs, destruction des écosystèmes, mise en danger de la petite paysannerie. L’État persiste à financer un modèle agricole dépassé, injuste et non durable. On le voit avec le passage en force de cette proposition de loi orchestré par plusieurs député·es à travers une motion de rejet qui empêche le débat à l’Assemblée nationale.
Nous ne pouvons qu’une nouvelle fois déplorer l’absence de moyens et d’ambitions sur l’adaptation des territoires face aux effets du changement climatique.