Face au #RetardDuSiècle, l’Etat décide… de ralentir

Avec plus de deux semaines de retard, l’Etat vient de répondre au Haut Conseil pour le Climat. Organisme indépendant créé en mai 2019 pour évaluer le respect par la France de l’Accord de Paris, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a publié en juin dernier son premier rapport annuel qui évalue l’action climatique du gouvernement. Sans surprise, l’Etat ne prend toujours pas ses responsabilités et rehausse même le plafond d’émissions de gaz à effet de serre pour 2023. Décryptage avec Anne Bringault, responsable de la transition énergétique pour le Réseau Action Climat.

Que disait le rapport du Haut Conseil pour le Climat  ?

Anne Bringault : Le HCC expliquait dans ce premier rapport que la France n’est pas sur la bonne trajectoire pour respecter ses objectifs climatiques. Depuis leur mise en place en 2015, la France dépasse ses “budgets carbone”, c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre qu’on peut émettre chaque année.

Le Haut Conseil pour le Climat a calculé qu’il faudrait tripler nos efforts d’ici à 2025 pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Ce rapport soulignait aussi l’inaction de l’Etat sur le climat :

  • Les politiques du gouvernement ne sont pas en cohérence avec les objectifs climatiques, alors que la Stratégie nationale bas carbone (qui définit notamment les budgets carbone), “devrait être le point de”référence de toute l’action publique et des investissements privés”.
  • les outils politiques mis en place sont “trop faibles ou pas assez efficaces : ils n’ont pas permis de respecter le premier budget carbone et ne permettront a priori pas de respecter les suivants.
  • la “transformation profonde de nos manières de produire, consommer, nous déplacer, nous loger ou encore nous nourrir” nécessaire à la neutralité carbone n’est pas suffisamment engagée.

Enfin, parmi ses recommandations, le HCC demandait spécifiquement à l’Etat d’être plus ambitieux et de revoir à la baisse le prochain budget carbone (2019-2023).

Que contient la réponse du gouvernement ?

Anne Bringault : S’il reconnaît que jusqu’ici les objectifs que la France s’est fixé pour réduire ses émissions n’ont pas été respectés, l’Etat ne prend toujours pas ses responsabilités.

Nouveau recul sur le climat : contre l’avis du Haut Conseil pour le Climat, le gouvernement revoit à la hausse ses émissions de gaz à effet de serre.

Dans sa réponse, il liste les mesures déjà en place, mais dont on sait déjà qu’elles sont insuffisantes. Il rappelle que la taxe carbone a été annulée, mais oublie de préciser qu’elle n’était accompagnée d’aucune mesure sociale, alors même que le HCC insiste sur l’importance de mieux prendre en compte les implications sociales et économiques, c’est à dire l’impact sur les inégalités, des politiques climatiques.

La seule nouvelle mesure que le gouvernement annonce avec cette réponse au HCC, c’est une “lettre de mission” que le Premier ministre transmettra à chaque ministre pour lui rappeler les objectifs sectoriels de la Stratégie nationale bas carbone. Chaque ministère devra ensuite élaborer sa propre feuille de route climat. Ça n’est pas inintéressant, mais c’est loin d’être suffisant.

Sur le nouveau budget carbone, d’ici à 2023, le gouvernement rejette la recommandation du HCC et annonce qu’il va au contraire rehausser le plafond d’émissions de gaz à effet de serre ! Pire, l’Etat prétend que ce nouveau recul est “le reflet d’un souci de sincérité et de réalisme”. Il se sert donc du retard déjà pris pour justifier une augmentation du retard… Et les efforts à faire plus tard n’en seront que plus important pour compenser.

Que peut-on faire collectivement face au mépris de l’Etat pour ses engagements ?

Anne Bringault : L’attitude du gouvernement est décevante, mais cela ne doit pas nous décourager. Il faut continuer à faire pression sur nos représentants, à tous les niveaux pour réclamer des actions à la hauteur de l’urgence climatique. Au niveau européen par exemple, la tendance semble être à plus d’ambition face à la crise climatique. Chez nos voisins néerlandais, la justice a donné raison à la société civile et ordonné à l’Etat de réduire de 25% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à la fin de l’année !

Au niveau français, depuis le 20 janvier, la nouvelle Stratégie nationale bas carbone qui fixe le plafond d’émissions d’ici à 2023 est ouverte à la consultation publique. Chacun-e d’entre nous peut et doit s’en saisir !