Cette lettre a été publié dans Les Echos mercredi 25 juin 2025.
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre,
Où est passée votre ambition ? « Combat du siècle » pour l’un, « sujet crucial » pour l’autre. C’est en ces termes que vous définissiez la cause climatique. Pourtant, à l’heure des actes, il n’y a plus rien. Comme si les mots devenaient vides de sens. Pour nous, les mots ont un sens, surtout ceux-là. Parce que nous vivons ce que vous décrivez encore comme un avenir à éviter.
Le changement climatique n’est pas une menace lointaine : c’est notre quotidien. Vagues de chaleur, inondations, sécheresses, tempêtes : les catastrophes se multiplient et bouleversent déjà les vies de la majorité des habitant·es, partout en France. Elles abîment nos maisons, détruisent nos cultures, menacent notre santé, rendent impossible notre accès à l’eau potable. Les plus vulnérables d’entre nous sont les plus durement touché·es : habitant·es des quartiers populaires, membres des communautés du voyage, personnes handicapées. Les groupes marginalisés sont en première ligne des risques climatiques, à la fois plus exposés et plus vulnérables.
À la double peine – l’exclusion et l’exposition aux risques – s’ajoute désormais l’abandon.
Car oui, c’est bien d’abandon qu’il s’agit. Face à cette crise, les réponses de l’État sont trop faibles, trop lentes, trop injustes. Ces catastrophes climatiques et leurs conséquences sur nos vies sont les résultats des politiques inadaptées du gouvernement actuel et des précédents. Le troisième Plan national d’adaptation (PNACC-3), présenté en mars par votre gouvernement, est loin d’être à la hauteur : il ne protège ni efficacement, ni équitablement. Il ne garantit pas les moyens nécessaires aux collectivités locales pour agir, alors même qu’elles sont en première ligne. Pendant ce temps, nous, sinistré·es climatiques, nous subissons. Refus d’indemnisation, relogement impossible, silence des pouvoirs publics.
Nous avons tenté d’alerter et d’agir localement. En vain. C’est pourquoi, en avril, nous avons lancé une action en justice et adressé une demande claire à votre gouvernement : renforcer d’urgence le Plan National d’Adaptation et mettre en place des mesures concrètes pour protéger la population. Face à l’absence de réponse de votre part à notre demande, nous sommes contraint·es de saisir aujourd’hui le Conseil d’État.
Notre démarche ne s’arrête pas là. Nous vous mettons face à vos responsabilités et nous vous invitons à nous rencontrer. Regardez-nous dans les yeux. Écoutez ce que vous refusez de voir : nos vies abîmées, nos droits piétinés, notre colère grandissante.
Il ne s’agit plus de débats techniques ou de promesses à long terme. Il s’agit de nos vies humaines, ici et maintenant. Ce que nous demandons est simple et juste : que l’État assume son rôle fondamental de protection. Cela exige un plan d’adaptation à la hauteur de la crise et construit avec celles et ceux qui en subissent déjà les conséquences. Refuser d’agir aujourd’hui, c’est accepter que le pire devienne la norme.
La société est prête à se mobiliser, à inventer des solutions, à bâtir un avenir vivable. À vous de choisir si vous en serez les alliés ou si vous serez responsables de notre chute. En 2002, Jacques Chirac lançait cet avertissement au monde : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. ». Vingt ans plus tard, la maison brûle plus fort que jamais. Et vous continuez de détourner le regard.
Jean-Jacques Bartholome
Salma Chaoui
Marie Le Meledo
Jean-Raoul Plaussu-Monteil
Evelyne Boulongne et Florent Sebban, porte-parole du Mouvement Inter-Régional des AMAP (MIRAMAP)
Mohamed Benyahia, pour l’Association Urgence Maisons Fissurée
Racha Mousdikoudine, présidente de l’association Mayotte a soif
William Acker, délégué général de l’Association Nationale des Gens du Voyage Citoyen
Rania Daki, porte-parole Justice climatique pour Ghett’up
Salim Poussin, pour l’association Locataires ensemble
Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous
Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France