6 actions politiques prioritaires pour réconcilier transition écologique et justice sociale

Six grandes actions doivent être mises en œuvre par l'Etat au plus vite : voici lesquelles.

Notre modèle économique actuel n’est pas viable. Il génère pollutions, maladies, inégalités et injustices. Il est une menace pour nos sociétés et pour la vie sur Terre. Nos enfants et nos petits-enfants, comme des millions d’autres personnes, sont ainsi directement menacés par les conséquences des dérèglements climatiques.

L’Affaire du Siècle dénonce l’existence de multiples carences fautives de l’Etat en matière de lutte contre le changement climatique. L’Etat ne respecte tout simplement pas les engagements qu’il s’est lui-même fixés, mettant à mal la protection de nos droits les plus élémentaires : se nourrir, se loger, se chauffer, avoir des enfants, être en bonne santé.

Nous devons engager une révolution climatique pour la justice sociale. L’ensemble des politiques publiques doivent changer pour prendre pleinement en compte les impératifs climatiques, de protection de la biodiversité, et de lutte contre les inégalités. Il est nécessaire et possible de faire autrement. Si nous le faisons pas, c’est un monde hostile, divisé qui nous attend, un monde réchauffé de 3 à 6 degrés celsius d’ici la fin du siècle.

Il n’y a pas à opposer justice sociale et protection du climat. Il est essentiel que l’ensemble de la population puisse intégrer et participer équitablement à la transition écologique, et profiter de ce qu’elle apporte (santé, emplois, baisse des factures, etc.). Laisser les plus fragiles à l’écart de cette transformation et de ses opportunités est tout simplement inacceptable.

Dans ce contexte, les 4 ONG qui portent l’Affaire du Siècle, en lien avec de nombreuses autres associations, identifient 6 actions prioritaires qui, parmi d’autres mesures, permettraient de remédier en partie à ses carences climatiques, tout en réduisant les injustices sociales. Les soutiens de l’Affaire du Siècle qui le souhaitent peuvent soutenir et relayer partout ces mesures.

 

1. Instaurer une fiscalité socialement juste au service de la lutte contre le changement climatique

  • Supprimer les niches fiscales et avantages fiscaux accordés aux activités et industries polluantes (aviation, maritime, transport routier, agrocarburants)
  • Redistribuer de manière juste aux ménages et réinvestir dans la transition écologique 100% des recettes nouvelles de la fiscalité carbone

Pourquoi ?

La fiscalité écologique est un outil important de la transition, à condition qu’elle soit juste et que les solutions soient disponibles pour toutes les catégories de la population. Or, pendant des années, les Français ont été encouragés, par l’aménagement du territoire, par le coût excessif des loyers dans certaines villes, par une politique fiscale incitative, à recourir à la voiture et à parcourir des distances de plus en plus longues au quotidien. A ce jour, que ce soit pour se chauffer ou se déplacer autrement, les solutions ne sont pas disponibles pour une partie de la population. De plus, la hausse des taxes sur les carburants s’est faite de manière indifférenciée en fonction des classes sociales et les recettes n’ont quasiment pas été redistribuées aux ménages les plus impactés ou allouées au développement de solutions pour se déplacer ou se chauffer autrement. Enfin, la précédente taxe carbone mise en place par le gouvernement ne visait pas de nombreux secteurs polluants : le transport aérien et maritime, le transport routier de marchandises, etc. En France, il est urgent que la fiscalité écologique devienne juste et s’intègre enfin dans une politique fiscale globale transformée et plus juste socialement, ainsi que dans une politique de développement des alternatives aux énergies fossiles polluantes.

 

2. Créer un service public local de la rénovation énergétique des logements dans tous les territoires

  • Créer un guichet unique au niveau local pour accompagner les ménages dans leurs travaux de rénovation énergétique
  • Augmenter les aides publiques à la rénovation énergétique des logements pour atteindre au moins 700 000 rénovations performantes par an
  • Instaurer progressivement l’obligation de rénovation des passoires énergétiques pour le marché locatif

Pourquoi ?

La rénovation énergétique des logements répond à un triple enjeu : économique, écologique et de santé publique. Pour 12 millions de Français souffrant de précarité énergétique, l’accès à un espace de vie suffisamment chauffé est un luxe. Au quotidien, ils sont dans l’incapacité de payer ou s’imposent une restriction de tous les instants se traduisant par des logements froids et inconfortables. En cause : la très mauvaise performance énergétique de leurs habitations et de leurs équipements de chauffage et de production d’eau chaude. Les impacts sur la santé sont connus : bronchites chroniques, arthrose, anxiété et dépression, maux de tête. Les pathologies hivernales comme les angines, la grippe ou les gastroentérites sont également significativement plus fréquentes chez les personnes exposées. Les conséquences climatiques sont considérables : le logement pèse à lui seul pour près de 20% des émissions de gaz à effet de serre de la France.

Créer un guichet unique local de la rénovation énergétique dans tous les territoires revient littéralement à appliquer la loi : sa mise en place était inscrite dans la loi de transition énergétique de 2015, restée sans suite. Il s’agit d’un accompagnement au plus près des ménages, allant du montage du projet à la demande de financement. En effet, de très nombreux citoyens sont bloqués dans leur souhait de rénover leur logement par des procédures complexes et coûteuses. De l’information, du conseil et évidemment des moyens sont nécessaires pour que l’ensemble des projets soient mis en oeuvre jusqu’au bout. Le service public de la performance énergétique de l’habitat permet de lever ces blocages en proposant un accompagnement technique et des conseils pour une solution financière adaptée des  travaux.

 

3. Donner la possibilité à toutes et tous de se déplacer plus proprement

  • Développer et accroître les investissements publics dans les transports durables : transports en commun, petites lignes ferroviaires, vélo
  • Rendre obligatoire auprès des entreprises le “forfait mobilité” (déplacements domicile-travail à vélo ou en co-voiturage) pour qu’il soit accessible à tous les salarié.e.s
  • Fixer dans la loi l’interdiction de la vente des voitures diesel et essence à horizon 2030

Pourquoi ?

Une véritable refonte écologique de la politique des transports permettra d’améliorer la qualité de l’air, d’agir sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre, de diminuer la sédentarité,  de libérer davantage de pouvoir d’achat, en privilégiant des transports moins consommateurs d’énergie, de désenclaver les territoires et d’accélérer l’innovation sociale et technologique à grande échelle tout en créant de nouveaux emplois grâce aux technologies d’efficacité énergétique et aux transports écologiques.

 

4. Instaurer le droit à une alimentation saine et durable pour toutes et tous

  • Réorienter l’ensemble des subventions de la PAC d’un modèle agricole industriel vers un modèle d’agriculture écologique.
  • Soutien de l’Etat à une alimentation saine / bio et végétarienne, notamment dans la restauration collective et les cantines scolaires

Pourquoi ?

Notre système agricole et alimentaire a des effets néfastes sur notre santé, sur la planète et ne permet pas aux agriculteurs de vivre décemment. Il n’y aura pas de transition écologique, de protection du climat et de la biodiversité, il n’y aura pas de justice sociale, sans accès de tous et tous à une alimentation saine et durable. Il est grand temps de généraliser en France une alimentation qui préserve l’environnement, le climat, la santé humaine, le bien-être des animaux, la rémunération des producteurs et le pouvoir d’achat.

 

5. Développer massivement des énergies renouvelables

  • Développer les filières d’énergies renouvelables qui permettront de créer un nouveau tissu industriel, en particulier pour l’éolien en mer, et des revenus complémentaires pour les agriculteurs.
  • Fermer les centrales à charbon et des centrales nucléaires, et instaurer des plans de reconversions professionnelles anticipées au niveau du bassin d’emplois, avec une programmation la plus en amont possible.

Pourquoi ?

La France est le deuxième pays le plus en retard au niveau européen pour respecter les objectifs d’énergies renouvelables fixés pour 2020. Le nucléaire reste le principal frein aux économies d’énergie et au développement des énergies renouvelables. Plusieurs scénarios montrent que sortir du nucléaire est possible sans nuire au climat (et est donc compatible avec la sortie du charbon). Face aux investissements importants à consacrer au futur modèle énergétique de la France, la France doit faire un choix et ne pourra pas soutenir tout à la fois : nucléaire, économies d’énergie et énergies renouvelables. En prenant clairement le tournant des économies d’énergie et des énergies renouvelables, la France pourrait gagner jusqu’à 900 000 emplois d’ici à 2050.

 

6. Mettre fin aux cadeaux aux grandes entreprises

  • Contraindre les entreprises dont l’Etat est actionnaire à sortir des énergies fossiles, à commencer par la fermeture planifiée des centrales à charbon détenues par EDF et ENGIE
  • Fin des soutiens publics aux énergies fossiles (AFD, Caisse des dépôts, subventions directes ou indirectes)
  • Mettre fin aux autorisations accordées aux grands projets climaticides et contraires à l’intérêt général : La Mède, Montagne d’Or, grands projets autoroutiers et aéroportuaires, Triangle de Gonesse, forages pétroliers
  • Imposer aux banques de sortir des énergies fossiles (transparence des financements, calendrier de sortie et alignement sur l’Accord de Paris)
  • Imposer aux multinationales ayant leur siège social en France d’aligner leurs activités sur les objectifs de l’Accord de Paris

Pourquoi ?

Lutter contre le dérèglement climatique doit devenir l’affaire de tous et requiert que l’État soit cohérent dans les décisions qu’il prend.  Or, depuis des décennies l’Etat autorise des projets destructeurs du climat et de la biodiversité. C’est le cas des grands projets autoroutiers, d’extension d’aéroport, des nouveaux forages pétroliers, de l’autorisation accordée à Total d’importer de l’huile de palme pour faire tourner sa raffinerie de la Mède, etc. Et ce pourrait être le cas de la Montagne d’Or, projet de mine d’or industrielle en forêt amazonienne guyanaise. Pour être cohérent avec les engagements pris pour protéger le climat, le gouvernement doit interdire ce type de projets destructeurs du climat et de la biodiversité. Tout comme il doit cesser de soutenir financièrement via les institutions publiques (AFD, BPI, entreprises à capital public type EDF et Engie) des activités et des projets qui entretiennent notre dépendance aux énergies fossiles. Enfin, les banques doivent également être mises au service de la transition écologique. Actuellement, le secteur bancaire alimente financièrement les causes des dérèglements climatiques. Il est temps d’interdire aux acteurs financiers de financer les entreprises qui développent de nouveaux projets liés au charbon.