Dans une plainte historique, 16 jeunes de douze pays du monde -dont Greta Thunberg- en appellent au Comité des Droits de l’Enfant pour dénoncer l’inaction climatique des Etats.
Pourquoi cette plainte ?
Greta, Iris, Litokne, Carlos, Ayakha… En attaquant cinq Etats signataires de la Convention des Droits de l’Enfant, ces jeunes protestent contre la passivité des Etats face à l’urgence climatique. “Nos gouvernements sont censés nous protéger” s’indigne Iris Duquesne, la requérante Française. Parce que les changements climatiques sont déjà là, parce qu’ils affectent déjà leurs vies, et parce qu’ils mettent en péril leur avenir, ces 16 jeunes veulent des actes !
Qui vise-t-elle ?
L’Allemagne, l’Argentine, le Brésil, la France et la Turquie sont les 5 pays cités dans la plainte. Pourquoi ceux-là ?
Il s’agit essentiellement de contraintes juridiques : ces pays sont signataires de la Convention internationale des Droits de l’enfant (Cide), mais aussi d’un protocole “facultatif” ajouté en 2011, qui permet à des enfants de saisir directement le Comité des droits de l’enfant. Or, si la Cide a été signée par 195 pays, ils ne sont que 45 à avoir adopté également ce protocole facultatif. Des pays comme les Etats Unis, la Chine ou la Russie n’en sont pas signataires et donc ne peuvent être attaqués.
D’autre part, souligne la plainte, ces 5 pays sont dans le top 50 des plus gros pollueurs de la planète depuis 1850 : l’Allemagne pointe au 5ème rang, la France au 8ème, le Brésil est 22ème, l’Argentine 29ème et la Turquie 31ème. Aucun d’entre eux ne respecte ses engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris. La plainte explique que si le monde suivait la même trajectoire, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, que n’importe lequel des 5 pays visés, le réchauffement serait de l’ordre de +4°C d’ici à 2100.
Enfin, l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil, la France et la Turquie sont membres du G20, et à ce titre, pour les jeunes requérant-e-s, ils ont une responsabilité particulière. Ils doivent à la fois montrer l’exemple et utiliser leur influence pour pousser les autres pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Mais alors les plus gros pollueurs ne sont pas attaqués ?
Les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre comme la Chine, les Etats-Unis ou l’Inde ne peuvent pas être visés par cette plainte : aucun n’a signé le protocole facultatif qui permet à des enfants de les attaquer devant le Comité des Droits de l’enfant.
Mais au-delà de la plainte elle-même, l’objectif de cette action est de faire reconnaître que la crise climatique est une menace pour les Droits des enfants et des Droits humains.
Que dit la plainte ?
Dans leur “communication” – la dénomination officielle de la plainte- les 16 jeunes expliquent qu’en “causant et en alimentant de façon irresponsable le changement climatique”, les Etats qu’ils attaquent ont failli à leur devoir de protection des droits des enfants. La plainte détaille les conséquences désastreuses du dérèglement climatique global sur les droits des jeunes à la vie, à la santé et à la culture.
Ils montrent aussi que les Etats “connaissaient depuis des décennies les conséquences prévisibles et destructrices” des changements climatiques.
Est-ce que cette plainte est liée à l’Affaire du Siècle ?
Les deux affaires sont distinctes : il s’agit de deux procédures différentes, devant des instances différentes (l’Affaire du Siècle devant un Tribunal administratif français, la plainte des 16 jeunes devant un comité international).
Mais nous partageons un même objectif : défendre les droits humains et pour cela obtenir des Etats des actions concrètes, qui permettent réellement de lutter contre le dérèglement climatique global et ses impacts.
Que demandent ces jeunes ?
Ils ne demandent pas d’argent “Aucune somme ne pourrait compenser les préjudices dont les jeunes sont victimes et vont continuer à subir dans le futur”.
Ce que ces 16 jeunes demandent, en leur nom, mais surtout pour tous les enfants du monde, c’est que la crise climatique soit reconnue comme une crise des droits des enfants.
Ils veulent aussi que soit reconnue la responsabilité des Etats et que le Comité les pousse à agir, aussi bien chez eux qu’à l’international, pour lutter contre les dérèglements climatiques et leurs impacts.
Qu’est-ce que cette plainte peut changer ?
C’est une nouvelle preuve de la mobilisation de plus en plus forte de la jeunesse à travers le monde entier. Mais plus largement, c’est une preuve de plus de la prise de conscience et des exigences de tous : depuis des mois, les jeunes se mettent en grève ; au cours des dernières années, les marches climatiques se multiplient et rassemblent des centaines de milliers de personnes à travers le monde ; en France, plus de 2 millions de personnes soutiennent l’Affaire du Siècle.
Avec le retentissement de cette requête, les Etats pourront-ils continuer à ignorer l’urgence climatique, en restant à contre-courant de leurs propres opinions publiques ?