Recours de Grande-Synthe : le Conseil d’Etat pourrait ordonner au gouvernement d’agir d’ici avril 2022

Ce vendredi 11 juin, le Conseil d’État se penchait sur une question cruciale, dans le cadre du recours de la ville de Grande-Synthe, soutenu par l’Affaire du Siècle : les politiques climatiques de la France sont-elles suffisantes pour respecter nos objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ?

Au cours de l’audience, Stéphane Hoynck, le rapporteur public, qui conseille les juges du Conseil d’Etat sur la décision à prendre, a donné ses conclusions. Et il a été clair : l’Etat doit, dès à présent, prendre de nouvelles mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre françaises, et le Conseil d’Etat doit exercer un contrôle sur l’effectivité de ces mesures.

Si la plus haute juridiction administrative suit ces recommandations, les juges devraient ordonner à l’Etat de prendre, d’ici 9 mois, “toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs” inscrits dans la loi.

La décision (“le délibéré”) sera rendue par les juges quelques semaines plus tard.

 

Que contient ce recours devant le Conseil d’État ?

Les juges examinent ce recours, déposé par la ville de Grande-Synthe en janvier 2019, dans lequel l’Affaire du Siècle est intervenante volontaire (tout comme les villes de Grenoble et Paris). Particulièrement exposée aux aléas climatiques, la commune de Grande-Synthe estime que la France ne se donne pas les moyens de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, et demande donc au Conseil d’État d’ordonner à l’État de prendre les mesures nécessaires pour y parvenir.

Pour renforcer le dossier juridique de la ville de Grande-Synthe, l’Affaire du Siècle a déposé environ 150 pages d’arguments juridiques devant le Conseil d’État. Nous avons également fait réaliser, par le cabinet d’expertise indépendant Carbone 4, une étude démontrant que “les mesures adoptées ou envisagées par l’État, notamment dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, ne permettront pas d’atteindre l’objectif global de réduction de 40% des émissions de GES à 2030 par rapport à 1990.”

 

Que doit juger le Conseil d’État ?

Comme dans l’Affaire du Siècle, le Conseil d’État a précédemment rendu une première décision dans l’affaire de Grande-Synthe, et pourrait maintenant décider d’ordonner à l’État de prendre des actions supplémentaires pour le climat.

En effet, le 19 novembre 2019, les juges ont affirmé que les objectifs climatiques de la France sont contraignants. Une décision qui met l’État face à ses responsabilités et rompt avec l’interprétation faite par les gouvernements successifs que la France n’était pas tenue par les objectifs inscrits dans la loi. Le Conseil d’État a alors donné un délai supplémentaire à l’État pour démontrer que la trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre prévue pourra être respectée. Hors, la ville de Grande-Synthe et l’Affaire du Siècle ont largement mis en évidence que la France n’est pas sur la bonne voie pour respecter ses engagements.

 

Comment la décision du Conseil d’État peut-elle influencer l’Affaire du Siècle ?

Le 3 février dernier, le Tribunal administratif a déjà reconnu l’illégalité de l’inaction climatique de la France, le préjudice écologique causé et la responsabilité de l’État dans la crise climatique. Les juges doivent déterminer dans un prochain jugement “les mesures qui doivent être ordonnées à l’État”.

Nous avons bon espoir que le Conseil d’État juge les politiques climatiques de la France insuffisantes pour respecter ses engagements et ordonne à l’État de prendre des mesures supplémentaires. Ce serait une avancée majeure face à l’urgence climatique !
Le Conseil d’État est la plus haute juridiction administrative française, ce serait donc également un signal important vis-à-vis du Tribunal administratif. Dans ce cas, le Tribunal administratif pourrait compléter et préciser l’injonction à agir à l’encontre de l’État d’agir pour que la France ne soit plus dans l’illégalité, et qu’elle compense les gaz à effet de serre émis en trop dans le passé.